AVENUE DU PARC
La Presse
Une fraude
Jean Masson
Avocat chez Fasken Martineau l'auteur est porte-parole du Comité de commémoration du 10e anniversaire du décès de Robert Bourassa et de la famille Bourassa.
Mardi dernier, le maire de Montréal a annoncé qu'il proposerait le retrait de la proposition du changement de nom de l'avenue du Parc pour honorer Robert Bourassa et qu'un mandat serait donné à la Commission de conservation du patrimoine de Montréal d'examiner la meilleure manière d'honorer la mémoire de l'ancien premier ministre.
Certains ont critiqué le maire en affirmant que cette décision reflétait un manque de courage politique et témoignait de l'immobilisme qui frappe notre société face aux projets qui font l'objet de controverse.
En tout respect pour l'opinion contraire, la décision annoncée mardi était la bonne et bénéficiait de l'appui sans réserve de la famille Bourassa et du comité mis sur pied pour commémorer l'anniversaire de son décès.
De toute évidence, il était dans l'intérêt public, après près de quatre mois, que cette controverse cesse. Une polémique peut durer quelques jours, quelques semaines, pas des mois. À un moment donné, il faut savoir fermer un dossier, ce que le maire a fait, encore une fois avec raison.
Lors de l'annonce du maire, le président de l'Association des marchands de l'avenue du Parc a affirmé que cette décision était une victoire de la démocratie: rien n'est plus faux et voici pourquoi.
L'opinion publique se forge à la lumière des faits qui lui sont rapportés par les médias. Dans le dossier de l'avenue du Parc, aucun article n'a été écrit dans La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette sans qu'une référence soit faite à la fameuse pétition de 40000 noms s'opposant au changement de nom.
Une pétition d'une telle importance, 40000 noms, conditionne et influence nécessairement tant les décideurs que l'opinion publique. Si 40000 personnes s'expriment par voie de pétition, c'est qu'il existe un malaise profond dont les autorités concernées, ici la Ville de Montréal et la Commission de toponymie du Québec, doivent nécessairement tenir compte: la population s'exprime.
Agir à l'encontre d'une pétition de 40000 noms comporte le risque de se faire taxer d'agir comme un dictateur, d'aller à l'encontre de la démocratie; c'est en tous cas le principal argument de l'Association des marchands de l'avenue du Parc et leur premier cheval de bataille contre l'administration Tremblay: monsieur le maire, respectez l'opinion des citoyens, nous sommes plus de 40000 à avoir signé une pétition.
Et les médias de répéter à l'unisson, sans vérification aucune: plus de 40000 personnes se sont exprimées par pétition contre le changement de nom de l'avenue du Parc. Je répète: les médias ont cru sur parole l'Association des marchands de l'avenue du Parc et, sans vérification aucune, ont présenté comme une vérité indéniable l'existence d'une pétition de 40000 noms contre le changement de nom de l'avenue du Parc; je me répète, sans aucune vérification.
Sauf que l'opinion publique a été victime d'une fraude! En effet comme l'a révélé jeudi soir une équipe de journalistes de TVA dirigée par Charles Faribeault, la fameuse pétition de 40000 noms n'existe pas et elle n'a jamais existé.
Où étaient les journalistes?
Vous avez bien lu! Depuis des mois, les médias nous confirment l'existence d'une pétition de 40000 noms, les autorités municipales prennent une décision largement fondée sur cette pétition de 40000 noms et deux jours après, on apprend par l'intermédiaire de TVA que cette pétition de 40000 noms n'existe pas et n'a jamais existé.
Mesdames et messieurs de La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette où étiez-vous pendant tout ce temps? Dormiez-vous? Une opinion publique éclairée doit pouvoir compter sur une presse vigilante. Il appartient à une presse vigilante de vérifier les informations qui lui sont transmises: la qualité de notre vie démocratique et une opinion publique bien informée dépendent de la rigueur de votre travail. Dans ce cas-ci vous avez tous échappé le ballon.
Avec quel résultat? Une décision a été prise par sur la base d'une fausse représentation de la part de l'Association des marchants de l'avenue du Parc et suite à votre négligence, le public n'a pas bénéficié de l'ensemble des faits qui lui aurait été nécessaire pour se former une opinion éclairée. Il doit y avoir une leçon à tirer de tout ça; pour un, je l'espère. (...)