Le gouvernement forcé de réduire ses ambitions
Le projet de loi C-13 a été adopté vers 6 h après une séance nocturne de trois heures réunissant 32 députés – 14 libéraux, 11 conservateurs, 3 bloquistes, 3 néo-démocrates et 1 vert –, afin que les mesures de distanciation sociale soient respectées.
La séance extraordinaire s'était en fait ouverte mardi, à midi, mais elle s'est rapidement embourbée en raison de l'opposition du Parti conservateur à certaines dispositions du projet de loi forçant sa suspension.
Le parti refusait que le gouvernement s'arroge le droit de taxer et de dépenser sans reddition de compte au Parlement pour les 21 prochains mois. Il assimilait le tout à un coup de force (power grab).
Après de longues tractations, le gouvernement Trudeau a finalement reculé sur certains aspects du projet de loi, ce qui a permis son adoption.
D'autres éléments du plan d’urgence du gouvernement, présenté le 18 mars :
-2 milliards de dollars de financement supplémentaire pour l’Allocation canadienne pour enfants;
-Un congé de six mois pour le paiement des intérêts sur les prêts étudiants;
-Le report de la date d’envoi de la déclaration de revenus au 1er juin et le report au 31 août de certains paiements d’impôts;
-un crédit supplémentaire pour la taxe sur les produits et services de 400 $ en moyenne pour une personne seule (600 $ pour les couples).
Selon le chef conservateur démissionnaire Andrew Scheer, le gouvernement a notamment accepté de supprimer un article qui lui aurait permis d'augmenter les impôts sans approbation parlementaire.
Nous avons exigé que le gouvernement revienne sur ses pouvoirs de dépense illimités et que les mandats spéciaux expirent le 23 juin 2020 au lieu du 30 septembre 2020. Il a accepté.
Andrew Scheer, chef du Parti conservateur, dans un communiqué
Le projet de loi confère tout de même aux ministres des Finances et de la Santé le pouvoir de demander des fonds pour appuyer les efforts du gouvernement fédéral visant à prévenir et contrôler la propagation de la COVID-19.
Le ministre des Finances, Bill Morneau, doit cependant faire le point sur les actions entreprises toutes les deux semaines, et le comité parlementaire des finances pourra entreprendre un examen dans six mois.
Une tentative « honteuse » d'utiliser la crise, dénoncent les conservateurs
Dans un communiqué publié en début de journée, Andrew Scheer a fait valoir que les conservateurs ont préconisé une approche flexible, tout en continuant à assurer la surveillance du gouvernement.
Nous étions prêts à adopter rapidement les mesures que le premier ministre a annoncées jusqu’à présent. Cependant, nous n’étions pas prêts à la tentative antidémocratique du gouvernement de s’accaparer le pouvoir, a-t-il expliqué.
Les libéraux ont honteusement tenté d'utiliser une crise de la santé publique pour se donner le pouvoir d’augmenter les impôts, la dette et les dépenses sans l’approbation du Parlement jusqu’au 1er janvier 2022. Mais après des heures de négociations, le gouvernement a fait marche arrière.
Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada
En entrevue à Tout un matin, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a aussi reconnu que le gouvernement Trudeau devait obtenir le pouvoir de dépenser de toute urgence,
Au-delà des considérations partisanes, il est exact que l’ensemble des pays industrialisés se donnent des moyens d’intervention extrarapides pour éviter un écrasement complet de l’économie. Ça, on le comprenait très bien, a-t-il dit.
La durée de l'absence de reddition de comptes demandée par le gouvernement n'avait toutefois aucun sens, a-t-il ajouté.
L’apparence d’une volonté malavisée du gouvernement est exacerbée par le fait que c’est un gouvernement minoritaire, a aussi observé M. Blanchet.
Le chef bloquiste note toutefois que le gouvernement a toujours une marge de manoeuvre quant à la façon dont il peut dépenser, et qu'il doit étudier l'idée de recourir à des subventions salariales, comme le réclament les milieux d'affaires.
Une telle approche permettrait de protéger le lien d'emploi entre une firme et ses employés, protégerait à la fois l'entreprise et le pouvoir d'achat des travailleurs jusqu'à ce que le pire de la crise soit passé.
Il a toutefois noté qu'une subvention à hauteur de 75 % du salaire d'un employé lui semble beaucoup.
Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh demande pour sa part au gouvernement Trudeau d'en faire davantage pour soutenir les travailleurs. Nous devons en faire plus, et nous devons le faire plus vite, a-t-il résumé.