À la lumière de toutes les actions entreprises pour dénoncer les agresseurs dans la région de Montréal, j'ai finalement décidé de prendre les choses en main et de raconter mon histoire d'agression sexuelle par l'intervieweur québécois Herby Moreau. Pendant l'été 2017, j'avais 23 ans et je travaillais dans une boîte de nuit du Vieux-Port. J'ai quitté mon quart de travail à 6 heures du matin après avoir bu plusieurs verres. Je me sentais trop ivre et trop fatigué pour rentrer à vélo jusqu'au Mile-End, alors j'ai essayé de convaincre un taxi de me prendre avec mon vélo. Alors que je me disputais avec le chauffeur de taxi qui ne voulait pas me prendre, j'ai remarqué deux hommes qui faisaient manifestement encore la fête et qui avaient une bouteille d'alcool. Je leur ai demandé une gorgée et nous avons tous commencé à bavarder en bons termes. À ce moment-là, je n'avais aucune idée de qui était Herby ni de sa notoriété.
Les deux hommes m'ont invité au loft de Herby où ils avaient davantage d'alcool et de drogues. En arrivant dans le bâtiment, le deuxième homme a choisi de partir. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis une personne extrêmement amicale et extravertie, donc même si je savais qu'il valait mieux ne pas aller chez un étranger, mon esprit était concentré sur la poursuite de la fête. Une fois à l'intérieur du loft, j'étais très impressionné par son décor et ses possessions. Il m'a rapidement dit de ne pas poster de photos de l'intérieur ou de l'extérieur du loft. À ce moment-là, je me suis senti à l'aise et nous avons passé un bon moment. Puis, j'ai remarqué qu'il avait de jolies vestes de designers et il m'a dit de les essayer. À ce moment-là, j'ai remarqué qu'il prenait des photos de moi pendant que je les essayais et j'ai trouvé ça un peu bizarre.
Nous avions ensuite une conversation sur l'éducation des enfants et sur la manière d'être un bon père, puis nous nous sommes serrés la main et nous nous sommes enlignés pour nous donner un coup d’épaule amical. Une fois que j'étais assez proche de lui, il a toutefois attrapé mes fesses, s'est forcé sur moi et m’a embrassé. Je me suis vite éloigné de lui en lui disant que je n’étais pas attiré par les hommes d'un point de vue sexuel et qu'il ne devait plus faire ça. Tout en essayant de s'excuser, il a essayé à nouveau de m'embrasser la bouche ouverte et a essayé de forcer ses mains sur le devant de mon pantalon. Une fois de plus, je lui ai dit NON, que je n’étais pas là pour ça. Il a essayé de me convaincre que j'étais gay et que si ce n'était pas le cas, c'était de l'amour gratuit et m'a demandé de coucher avec lui dans la chambre de son fils. À ce moment-là, j'ai décidé qu'il fallait que je parte. Il a essayé de m'empêcher de partir et a continué à essayer de m'attraper le cul et le pénis. J'ai réussi à le pousser hors du chemin et à partir.
Au cours des deux mois suivants, il a fréquenté la boîte de nuit Flyjin où je travaillais. Là-bas, s'il me voyait, il essayait toujours de m'attraper les fesses et me demandait si j’avais raconté à quelqu'un ce qui s'était passé. À l'époque, j'étais tellement sous le choc de la situation que je ne savais pas comment la gérer ni si je devais dire quoi que ce soit. Plus tard, je suis devenu le barman du restaurant HÀ, où il se rendait aussi souvent pour manger au bar seul ou avec son fils. Étant la célébrité qu'il est, j'ai été poussé par ma direction à faire en sorte qu'il ait toujours un service impeccable et à lui accorder des réductions. C'était l'une des situations les plus inconfortables que j'aie jamais vécues et je me suis senti malade de colère jusqu'au sang. Sur ce lieu de travail, j'ai appris qu'il avait fait cela à cinq autres jeunes hommes qui travaillent dans l'industrie des services du Vieux-Port.
Bien que je voulais que cet homme soit responsable de ses actes, j'ai eu du mal à faire le pas, car je me sentais mal de dénoncer quelqu'un qui avait un fils. Maintenant, en voyant d'autres personnes trouver le courage de dénoncer les agresseurs et les auteurs d'agressions sexuelles, j'ai choisi de le faire. Ce genre de choses n'arrive pas qu'aux femmes. Les hommes doivent se sentir à l'aise, courageux et sans honte de s'exprimer. Je ne citerai pas les noms des autres victimes, mais je les encourage à se manifester. Je ne suis pas d'accord avec l'extrémisme du «cancel culture», mais les gens comme ça doivent être tenus responsables de leurs actes, sinon le problème ne fera que continuer.