M. Beauregard était éducateur en service de garde dans une école primaire de Montréal quand, en 2015, son monde a basculé : la police l’a arrêté pour agression sur un enfant. On l’accusait d’avoir pris l’enfant par les pieds et de l’avoir suspendu dans le vide au-dessus de la balustrade de l’escalier qui mène de la cour de récréation à l’école.
Une seule témoin affirmait avoir vu cette scène : une éducatrice, collègue de Charles Beauregard. C’est elle qui a porté plainte à la police.
L’enquêteuse du SPVM chargée du dossier n’a jamais tenté d’obtenir la version de M. Beauregard et de deux collègues de M. Beauregard qui étaient au pied dudit escalier. La cour d’école était pleine ce matin-là : enseignants, parents qui bourdonnent dans le tourbillon des enfants. La police n’a tenté d’obtenir de la preuve d’aucun de ces parents, d’aucun de ces enseignants.
Sur la seule parole de cette éducatrice et d’un élève (dont la mère a prévenu l’école que son fils avait tendance à inventer), une enquêteuse du SPVM a arrêté Charles Beauregard et son enquête a convaincu la Couronne de porter de graves accusations contre lui.
Quand les deux collègues postés au pied de l’escalier ont appris ce qu’on reprochait à leur collègue, ils ont sursauté. Un, si Charles avait suspendu un élève par les pieds dans le vide, ils l’auraient vu ; deux, l’accusatrice de Charles le détestait, et il était connu qu’elle avait une tendance à dramatiser et à s’imaginer que des collègues manigançaient contre elle…
Des collègues de Charles Beauregard ont écrit à la Couronne pour soumettre leur vérité et ils ont été ignorés par une enquêteuse qui n’avait même pas l’excuse de l’urgence pour tourner les coins rond. Leurs plaidoyers ont été ignorés par l’appareil judiciaire.
Sur les conseils de son avocat, Charles Beauregard a accepté de signer un « 810 », un engagement en vertu de l’article 810 du Code criminel qui permet à un accusé de reconnaître qu’une personne a pu avoir des craintes à son propos. Il a accepté le 810 pour éviter un procès, ce qui se fait chaque jour dans les palais de justice. Ce n’est pas une reconnaissance de culpabilité.
La vérité est sortie au Tribunal administratif du travail du Québec, des années plus tard. Charles Beauregard poursuivait son employeur, alléguant avoir été victime de fausses accusations qui l’avaient rendu malade.
La juge administrative a fait ce que ni l’école, ni la police, ni la Couronne n’avaient fait avant : elle a exigé d’entendre les témoins, soit l’enquêteuse, l’éducatrice et les collègues de Charles Beauregard.
À la fin du procès, la juge a mis en pièces le travail de l’enquêteuse et elle a complètement écarté le témoignage « invraisemblable » de l’éducatrice qui accusait Charles Beauregard.
La lecture de la décision de la juge est absolument terrifiante parce qu’on voit ce qui arrive quand l’appareil judiciaire décide que vous avez fait quelque chose que vous n’avez pas fait. Se dépatouiller de cela est extrêmement difficile. Charles m’a écrit récemment pour me dire à quel point il avait pensé à Mamadi Camara, ces derniers jours.
Le cauchemar de Charles Beauregard a duré 909 jours, entre son arrestation et le jour où une juge du Tribunal administratif du Québec l’a pour ainsi dire blanchi. Pendant ce temps, il a fait une dépression, suspendu ses études et raté son examen du Barreau.
Il a depuis reçu un dédommagement de la Commission scolaire de Montréal. Il poursuit actuellement le SPVM et un procès semble inévitable puisque la police ne veut pas régler. Bien hâte de voir comment ils vont justifier la paresse de leur enquêteuse, désormais affectée aux crimes sexuels.