trish07
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Méchant pété!!!
http://www.jugements.qc.ca/php/deci...DBDE37A092A90ED493F5EFC51F07FF13411E78&page=1
Langevin (Re)
2012 QCCS 613
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE QUÉBEC
N° :200-05-019491-120
200-05-019492-128
DATE :22 février 2012
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE
L’HONORABLE
ALAIN MICHAUD, j.c.s.
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SYLVIO LANGEVIN, […], Ste-Euphémie (Québec) […]
Requérant
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JUGEMENT
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[1] Sylvio Langevin réclame la propriété de la planète Terre[1]. Dans un autre dossier entrepris le même jour, il réclame celle des planètes Mercure, Vénus, Jupiter, Saturne et Uranus, ainsi que des quatre grosses lunes de Jupiter[2].
[2] À l'audience, le requérant souhaite amender ce second recours pour y ajouter ses revendications sur Neptune et Pluton, ainsi que sur l'espace entre chaque planète, à la grandeur de la galaxie[3].
I – LES FAITS
[3] Même si monsieur Langevin demande la rédaction de jugements distincts pour chacune de ses requêtes, le Tribunal s'autorise à rendre un jugement unique à l'égard des deux demandes, qui soulèvent des arguments identiques dans la réclamation de biens de même nature : cela se vérifie à la lecture des deux requêtes manuscrites, dont la transcription intégrale se trouve aux Annexes 1 et 2 de ce jugement.
[4] Le 27 décembre 2011, « par hasard en fesant le ménage dans m'est documents divers dans mon armoire… »[4], monsieur Langevin trouve des articles de journaux fournissant certains détails sur les planètes Mercure et Jupiter[5], ainsi que sur les missions d'observation de la NASA à l'égard de plusieurs planètes du système solaire.
[5] Il y voit une opportunité unique à l'égard de ces planètes, et rapporte qu'il a « pensé d'en faire une collection comme d'autres font une collection de cartes de hockey ». Comme les cinq planètes et les quatre lunes visées sont des astres errants et qu'elles font partie du système solaire[6], monsieur Langevin est certain qu'elles n'ont pas de propriétaire.
[6] Il agit seul, et sans même un intimé à ses requêtes, puisque « s'il y avait un intimé, ce serait Dieu, mais il n'est pas tangible et pas invitable comme intimé ».
[7] Lors de l'audience, il demande par amendement la permission de réclamer également la propriété de Neptune et Pluton, ainsi que celle de « toutes l'espace qui est sans oxigène et sans pesanteur pour les objets; situé entre chaque planète à la grandeur de notre galaxie… »[7], et cela – dit-il à l'audience – « pour éviter tout malentendu ».
[8] Il explique cette revendication relative à l'espace en disant qu'il a appris que les Chinois avaient l'intention d'envoyer des stations orbitales dans l'espace : monsieur Langevin ne veut pas qu'il se forme une autre ville chinoise dans l'espace, au-dessus de lui.
* * *
[9] Dans le dossier connexe, l'idée de réclamer la propriété de la planète Terre, lui est venue « le 07-01-12 vers 18h30, j'avais du temp à perdre et par hasard j'ai eu l'idée de lire quelques définitions du dictionnaire… »[8], à savoir celles des mots planète et terre.
[10] Comme les autres, la planète Terre n'a aucun propriétaire, « donc c'est évident et hors de tout doute c'est un astre errant appartenant au système solaire; certain qu'elle me revient de plein droit à titre de propriétaire possession et administration (seul)… »[9].
[11] Monsieur Langevin rappelle que ses trois demandes lui permettraient de devenir propriétaire de neuf planètes, de la Lune et des quatre satellites de Jupiter, pour un total de quatorze planètes.
[12] Le troisième dossier – faut-il le préciser – est celui où monsieur Langevin a récemment réclamé la propriété de Mars et de la Lune. Lors de notre audience, il ne sait pas si jugement a été rendu en cette affaire, ni n'en a pris connaissance; les officiers du greffe civil lui auraient toutefois mentionné que jugement avait été prononcé en sa défaveur[10]. Il veut en prendre connaissance en même temps qu'il lira les décisions relatives aux deux présentes réclamations, « pour les contester » ajoute-t-il.
[13] Monsieur Langevin dit qu'il n'est pas avocat mais simple citoyen; il mentionne toutefois avoir une bonne expérience dans les requêtes depuis les années 2000, précisant que ces litiges réfèrent entre autres à quatre situations particulières :
a) le fait qu'il soit tombé dans un piège de mauvaise information, quant à un élevage de sangliers qu'il possédait;
b) le fait que son frère[11] ait vendu la ferme sans son autorisation d'administrateur;
c) le fait que des personnes en autorité, pour la Reine, aient mis « six faux psychologue » sur lui et aient essayé de le « faire passer pour délirant »;
d) le fait qu'il ait découvert un coup d'état du gouvernement du Canada, alors en guerre en Afghanistan.
[14] Monsieur Langevin rapporte donc avoir entrepris 51 requêtes contre le gouvernement du Québec : cela a mené à un jugement le déclarant plaideur quérulent à l'égard du Procureur général du Québec [P.G.Q.][12]. Après quatre ou cinq autres requêtes contre le gouvernement du Canada, il ajoute avoir été déclaré plaideur quérulent à l'endroit du Procureur général du Canada [P.G.C.][13].
[15] Monsieur Langevin dit attendre le bon moment pour faire annuler les deux décisions en question, qui violent la Charte des droits et libertés de la personne.
II – L'ANALYSE
[16] Sur le fond des deux réclamations ici entreprises par Sylvio Langevin, il n'est pas nécessaire d'en dire davantage que ce qu'écrivait le juge Étienne Parent le 19 décembre 2011, dans le dossier visant la planète Mars et la Lune : « À sa face même, la requête du demandeur n'a aucun fondement juridique et doit être rejetée »[14].
[17] La réclamation de la planète Terre est donc rejetée, tout comme celle visant les autres planètes du système solaire.
III – LE COMPORTEMENT QUÉRULENT DE SYLVIO LANGEVIN
1 – Les antécédents du requérant
[18] Un inventaire probablement incomplet des litiges initiés par le requérant indique que ce dernier a entrepris depuis 2001 au moins 29 recours en Cour supérieure, en même temps qu'il s'adressait à 12 reprises à la Cour d'appel, ainsi que 4 fois à la Cour suprême du Canada.
[19] Parmi ces litiges, monsieur Langevin a poursuivi le PGQ à 12 reprises – en injonction ou en dommages – pour une valeur totale de 74.5 M $. Il a aussi utilisé ces deux formes de recours en poursuivant le PGC pour une valeur totale originale de 4 M $; par amendement, il a porté sa réclamation en dommages à plus d'un milliard de dollars.
[20] Tous les recours ainsi entrepris par monsieur Langevin, sous six prénoms ou présentations de prénoms différents[15], ont été rejetés et ont mené à la constitution d'importants mémoires de frais qui n'ont – à peu de choses près – jamais été récupérés par les procureurs et parties adverses.
[21] Les deux déclarations de quérulence – à portée limitée – imposées par les juges Babin et Bélanger en 2008 et 2009, ont au départ tempéré l'enthousiasme du requérant à entreprendre des poursuites judiciaires à répétition. Monsieur Langevin semble toutefois avoir compris – tel que l'illustrent les trois derniers dossiers révélant son intérêt pour les planètes – que l'absence d'intimés à ses procédures réduisait pour lui le risque de se voir à nouveau signifier une requête en déclaration de quérulence.
[22] C'est ici que le Tribunal doit intervenir.
2 – La notion de quérulence
[23] Le juge Yves-Marie Morissette, alors professeur à l'Université McGill, s'est intéressé à la notion de quérulence, et rapportait en 2004 les principales caractéristiques que la jurisprudence associe au justiciable quérulent :
– Premièrement, le justiciable quérulent fait montre d'opiniâtreté et de narcissisme;
– Deuxièmement, le justiciable quérulent se manifeste en demande plutôt qu'en défense;
– Troisièmement, le justiciable quérulent multiplie les recours vexatoires, y compris contre les auxiliaires de la justice. Il n'est pas rare, en effet, que ces procédures et ces plaintes soient dirigées contre les avocats, le personnel judiciaire ou même les juges personnellement, qui font l'objet d'allégations de partialité et de plaintes déontologiques;
– Quatrièmement, la réitération des mêmes questions par des recours successifs et ampliatifs, et la recherche des mêmes résultats malgré les échecs répétés de demandes antérieurs, sont fréquentes;
– Cinquièmement, les arguments de droit mis de l'avant par le justiciable quérulent se signalent à la fois par leur inventivité et leur incongruité. Ils ont une forme juridique, certes, mais sont à la limite du rationnel;
– Sixièmement, les échecs répétés des recours ainsi exercés par la partie quérulente entraînent à plus ou moins longue échéance son incapacité à payer les dépens et frais de justice auxquels elle est condamnée;
– Septièmement, la plupart des décisions adverses, sinon toutes, sont portées en appel par la partie quérulente, ou font l'objet de demandes de révision ou de rétractation;
– Enfin, huitièmement, comme on l'a déjà noté, le justiciable quérulent se représente seul.[16]
[24] Le même texte cite le portrait que fait la psychiatre française Sandrine Maillet de ce syndrome : « les quérulents processifs […] affirment qu'ils ont été lésés, que leurs biens ont été spoliés : ils multiplient les procès, font appel, refusent toute conciliation, suspectent la corruption des juges, la complicité ou la mauvaise foi des témoins »[17].
[25] Dans une décision très étayée sur la question, le juge en chef adjoint André Wery reprend cette étude du juge Morissette et ajoute :
Comme on le voit, la quérulence constitue une problématique fondée sur la pensée paranoïaque où les croyances de la personne sont disproportionnées par rapport à la réalité et ces incessantes croisades judiciaires sont issues d'un délire imaginaire.[18]
[26] Les articles 84 et 85 du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure[19] ont ainsi été adoptés pour contrer les excès de certains citoyens qui abusent de leur droit d'ester en justice :
84. Interdiction sauf autorisation. Si une personne fait preuve d'un comportement quérulent, c'est-à-dire si elle exerce son droit d'ester en justice de manière excessive ou déraisonnable, le tribunal peut lui interdire une demande de justice sans autorisation préalable.
85. L'ordonnance. L'ordonnance est générale ou limitée à un ou plusieurs districts ou en égard à une ou plusieurs personnes. Dans un cas extrême elle peut même interdire l'accès à un palais de justice.
[27] Ces dispositions vont dans le sens de l'article 4.1 du Code de procédure civile et des articles 6 et 7 du Code civil du Québec, qui prévoient expressément qu'une partie ne peut agir de manière excessive ou déraisonnable, et doit exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
[28] Le système judiciaire canadien fait l'envie de plusieurs autres juridictions à travers le monde, mais – on peut s'en douter – il coûte cher. Comme le mentionne le juge Wery :
Il doit donc être utilisé par les justiciables de façon raisonnable et responsable. On ne peut se servir du système judiciaire uniquement pour harceler, intimider ou épuiser financièrement, psychologiquement ou physiquement son adversaire.[20]
[29] Compte tenu de ces paramètres, il faut donc nous demander si le comportement de Sylvio Langevin justifie l'application des articles 84 et 85 du règlement, adoptés en vertu des pouvoirs généraux inhérents à l'exercice de la compétence de la Cour supérieure[21].
3 – La décision
[30] Lorsqu'il déclare au Tribunal avoir entrepris 51 requêtes contre le PGQ, Sylvio Langevin manifeste une fierté qui apparaît difficilement conciliable avec les objectifs du Code de procédure civile. C'est ainsi que le juge Babin, à sa décision du 29 janvier 2008, fait étalage des nombreuses raisons le justifiant de déclarer le requérant plaideur quérulent, en regard du PGQ[22]. La juge Bélanger fera la même démonstration de quérulence l'année suivante, en regard des réclamations instituées cette fois contre le PGC[23].
[31] Maintenant qu'il a été déclaré plaideur quérulent à l'endroit de ces deux adversaires « naturels », monsieur Langevin entreprend aujourd'hui une nouvelle séquence de poursuites, usant d'imagination pour revendiquer la propriété des planètes de notre système solaire. Où cela s'arrêtera-t-il?
[32] À l'examen du procès-verbal de la première demande de ce genre de monsieur Langevin – celle visant Marc et la Lune – on constate que seulement douze minutes de présentation ont suffi au requérant pour embarrasser le système judiciaire de façon significative.
[33] La lecture des deux requêtes suivantes – ici reproduites comme Annexes 1 et 2 – apporte la démonstration d'une continuité dans ce dérèglement et dans la contamination par le requérant du système judiciaire, qui durera tant que le statut de plaideur quérulent de monsieur Langevin n'aura pas été généralisé.
[34] De la même façon, les déclarations du requérant rapportées au premier chapitre de ce jugement illustrent bien qu'aucune réclamation n'est à son épreuve, et que tous les biens errants ou sans propriétaire apparent – matériels ou immatériels – sont susceptibles de faire l'objet d'une prochaine collection par lui.
[35] Il est bien sûr inacceptable que monsieur Langevin utilise le système de justice à mauvais escient en gaspillant de cette façon le temps et les énergies des divers intervenants judiciaires, alors que l'ensemble des justiciables a besoin du plein accès à ces précieuses ressources.
[36] Sur une base plus particulière visant sa propre protection, le Tribunal ne peut pas davantage tolérer que le requérant épuise ses maigres ressources à payer les timbres judiciaires associés à l'ouverture de ses nombreuses poursuites, ou encore les mémoires de frais qui se constituent inévitablement à leur fermeture : quelques centaines de milliers de dollars sont déjà dus par monsieur Langevin sous ce chef.
[37] Dans ces circonstances, le Tribunal n'a pas d'hésitation à conclure que le requérant rencontre par son comportement les principales caractéristiques de la quérulence; dès lors, la décision s'impose d'élargir son statut de plaideur quérulent à l'ensemble des recours qu'il pourrait entreprendre en Cour supérieure du Québec.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[38] REJETTE les deux réclamations entreprises par le requérant dans les dossiers portant les numéros 200-05-019491-120 et 200-05-019492-128;
[39] DÉCLARE plaideur quérulent le requérant Sylvio Langevin, alias Martin Langevin, alias Martin Sylvio Langevin, alias Sylvio Martin Langevin, alias Martin (Sylvio) Langevin, alias Sylvio (Martin) Langevin;
[40] INTERDIT au requérant d'introduire ou de déposer, directement ou indirectement, toute procédure – qu'elle soit introductive d'instance ou en cours d'instance – au greffe de la Cour supérieure de tout Palais de justice de la province de Québec, à moins d'avoir obtenu au préalable l'autorisation écrite du juge en chef, du juge en chef associé ou du juge en chef adjoint de la Cour supérieure du Québec, ou de tout autre juge désigné par l'un d'eux;
[41] INTERDIT aux greffiers, fonctionnaires et officiers de justice de la province de Québec de recevoir, timbrer, délivrer, signifier, enregistrer au plumitif, assermenter ou inscrire sur le rôle d'audience, toute procédure judiciaire qui aurait été intentée, initiée ou préparée par le requérant, à l'exception de celles qui auront été préalablement autorisées par écrit, conformément au paragraphe précédent;
[42] ORDONNE au greffier de la Cour supérieure du district de Québec de procéder à la signification du présent jugement au requérant Sylvio Langevin;
[43] AUTORISE la signification du présent jugement aux greffiers et huissiers de la province de Québec, par voie de télécopie;
[44] ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel;
[45] SANS FRAIS, vu les circonstances particulières de l'affaire.
__________________________________
ALAIN MICHAUD, j.c.s.
M. Sylvio Langevin
[…], Ste-Euphémie (Québec)
Pour lui-même
http://www.jugements.qc.ca/php/deci...DBDE37A092A90ED493F5EFC51F07FF13411E78&page=1