Alors qu’elle proteste vivement contre l’entreprise Uber en l’accusant notamment d’évasion fiscale, l’industrie du taxi n’est guère mieux à ce chapitre.
Revenu Québec estime à 72 millions $ les pertes fiscales encourues dans l’industrie du taxi chaque année par divers stratagèmes, dont l'omission de redonner la TPS et la TVQ et la non-déclaration de certains revenus.
«Il y a des secteurs qui sont plus à risques que d’autres, et l’industrie du taxi en fait partie. C’est pourquoi on travaille à implanter des solutions», indique le chef des relations publiques chez Revenu Québec, Stéphane Dion. Une vaste campagne de sensibilisation et un comité consultatif ont été créés, afin d’entreprendre un dialogue avec l’industrie du taxi pour discuter des pistes de solution afin de lutter contre cette forme d’évasion fiscale.
Bien qu’aucune solution n’ait encore été mise en place, l’option d’implanter des modules d’enregistrement des ventes (MEV) à bord des voitures, à l’instar des bars et des restaurants, est envisagée au même titre qu’une autre solution technologique à être mise au point.
Concurrence déloyale
Même si Revenu Québec observe beaucoup de progrès depuis la mise en place de ces mesures, les pertes fiscales demeurent un fléau qui crée, selon M. Dion, une concurrence déloyale au sein même de l’industrie du taxi.
«Vous avez des chauffeurs qui, eux, respectent leurs obligations et qui doivent concurrencer avec des chauffeurs qui ne respectent pas leurs obligations et qui ne remettent pas leurs taxes.»
Une source oeuvrant dans l’industrie du taxi a confié au journaldequebec.com, sous le couvert de l’anonymat, que l’implantation du MEV dans les voitures est redoutée par les chauffeurs.
«Présentement, on se fait faire concurrence par une multinationale qui fait des milliards. Il y a du monde qui travaille au noir et il y a du monde qui travaille au gris pâle. Là, on veut s’attaquer au gris pâle? C’est ça la solution? Il y a des gens qui ne déclarent rien du tout. Pourquoi s’attaquer au 10 % des chauffeurs qui ne déclarent pas leurs revenus», déplore-t-elle.
Pour le responsable du développement stratégique et des affaires publiques au Regroupement des travailleurs autonomes métallos (RTAM), Benoit Jugand, qui représente près de 5000 membres, issus principalement de l’industrie du taxi, il ne devrait pas y avoir de passe-droit même si l’industrie du taxi est «affaiblie» par Uber, d’autant plus que le problème d’évasion fiscale était présent bien avant l’apparition du géant américain.
«Je ne fais pas de distinction sur le gris pâle et le noir. Il y a des règles claires. Si on a des gens qui veulent faire de l’évasion fiscale, ils vont devoir comprendre qu’ils n’ont plus leur place dans l’industrie du taxi. C’est inacceptable», a-t-il déclaré.
Même s’il reconnaît que l’implantation du MEV ne fait pas l’unanimité au sein de l’industrie, M. Jugandest d’avis que la mesure pourrait devenir un important outil d’innovation.
«On est ouvert à l’implanter. Le MEV ne servirait pas seulement à percevoir des impôts et des taxes. La solution pourrait aussi fournir des éléments concrets et factuels au gouvernement sur l’état de l’industrie du taxi au Québec. On suggère aussi au gouvernement de reprendre une portion des sommes qu’il va récupérer en les réinvestissant dans l’industrie du taxi», indique-t-il.