MATHIEU BOCK-CÔTÉ AU A&W
Employé : Bonjour, est-ce que je peux prendre votre commande?
Mathieu : Ave, jeune habitant de la Nouvelle-France. J’ai effectivement une requête de type alimentaire à vous partager. Je suis affligé, voyez-vous, par une certaine condition récurrente de l’organe interne de digestion qui, plusieurs fois par jour, m’indique qu’il serait temps pour moi de rompre le pain.
Employé : …
Mathieu : Simplement : je suis au bord de l’inanition.
Employé : …
Mathieu : Cessez de me regarder ainsi. Je pleure famine.
Employé : Ah okay, vous avez faim.
Mathieu : Je n’irais pas jusqu’à me victimiser de cette façon. Mais j’imagine qu’un sans-esprit pourrait le généraliser ainsi, dans une tentative de s’agenouiller devant la piété de son insubstance.
Employé : …
Mathieu : Pardon, je m’égare. Pour en revenir à notre sujet premier, c'est à dire ma subsistance vitale d’homme blanc Occidental en voie de disparition, je cherche dans votre menu le plat que vous qualifieriez de retour à la genèse nationale, dans ce cas-ci gustative, bien sûr, de la gastronomie canadienne, voir-même coloniale, offerte par votre établissement de restauration rapide.
Employé : Euh… ben, tous nos burgers sont faits avec du bœuf 100% canadien.
Mathieu : Hm-mm. Hm-mm. J’ouïe. J’ouïe.
Employé : … Sinon, nos œufs sont canadiens aussi. Pis nos déjeuners sont servis toute la journée.
Mathieu : Pardonnez-moi d’avance le soufflet évident que je m’apprête à vous envoyer, mais il est pour moi INCONCEVABLE de songer, ne serait-ce même qu’une seule seconde, à la possibilité de me laisser séduire par cette idée très post-moderne et, si je peux me permettre, excessivement violente, qu’il est progressiste de détruire l’ordre établi du monde. Comme disait Montesquieu : ‘’Je déjeune au lever du soleil et je fais les foins à la Mi-Juin.’’
Employé : Okay faque… plus un burger.
Mathieu : Essentiellement.
Employé : Bon. Y’a peut-être le Grand-Papa Burger qui pourrait vous intéresser...
Mathieu : Son nom me ramène effectivement à mes racines; à une époque où mes ancêtres se sont donnés la chance de créer un monde libre de conscience et de parole; monde que nous sommes par ailleurs en train de démolir à grand coup d’immigration de masse et de locutions vides comme ‘’identités de genre et ‘’multiculturalisme’’.
Employé : Vous pouvez juste répondre par oui ou non, des fois…
Mathieu : Pardonnez-moi. Il ne m’est pas toujours possible de synthétiser ma pensée complexe sous forme de référendum binaire simpliste s’adressant au commun des mortels.
Employé : Okay, donc, un Grand-Papa Burger. En trio? Ou juste le burger?
Mathieu : Seul, comme mon âme d’intellectuel honni par une société de plus en plus arabisée.
Employé : Super. Ça va faire 4,26$.
Mathieu : Parfait. Je vais donc régler cette dette par transaction numérique instantanée.
Employé : Tabarouette, Interac? Vous êtes très moderne.
Mathieu : Je vous demande pardon?
Employé : Non, mais Interac, je veux dire… C’est moderne. Vous êtes de votre époque.
Mathieu : Gougat! La seule raison pour laquelle je ne vous provoque pas en duel immédiatement, c’est que j’ai égaré mes gants lors de ma dernière visite au Village d’Antan.
Employé : Ben voyons, monsieur, prenez pas ça comme ça…
Mathieu : Mais soyez sans crainte, cette atteinte à ma personne ne restera pas impunie.
Employé : Voulez-vous faire une plainte?
Mathieu : Je ferai bien mieux encore. Je rédigerai pour le journal une missive de 500 mots, dont 250 utilisés hors-contexte, pour relier cet incident anecdotique à la chute de l’empire occidental. Et en attendant, je vais vous affaiblir économiquement en allant dîner chez Subway.
Employé : Super. Bonne journée!
Mathieu : MAIS SOYEZ EN CONVAINCU : JE QUITTE VAINQUEUR DE CETTE QUERELLE IDENTITAIRE.
Employé : Okay, allez-vous en ou j’appelle la police.